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Aujourdʼhui je voulais vous parler de ces instants hors du temps que sont les navigations de nuit lorsque que tous vos repères habituels disparaissent et que de nouveaux sens se révèlent.
Par nuit nuageuse, seuls sont visibles les instruments de navigation dans leur faible halo ambré. Ni le ciel sans étoile ni la lune masquée ne créent le moindre reflet sur lʼeau noire dont vous ne percevez que le retentissement plus ou moins proche des vagues qui déferlent.
Vous savez que chacune dʼelles va projeter le bateau sur tribord ou bâbord. Par houle arrière, vous attendez de ressentir lʼélévation de la poupe, puis le dérapage de la coque sur le haut de la vague avant de plonger dans le creux de celle-ci dans un dérapage inverse. Et pendant ces quelques secondes, vous ne devez faire quʼun avec le bateau, connecté à lui par la pression que vous ressentez dans les jambes et la résistance de la barre entre vos mains qui traduisent lʼamplitude du roulis et du tangage.
Pour éviter le départ au lof ou à lʼabattée vous corrigez à la barre chacun de ces dérapages sur chacune de ces vagues. En aveugle mais avec dʼautres sens que vous découvrez vous chevauchez lʼocéan, majestueux animal dont la houle est la respiration et que seul votre bateau vous protège de sa possible fureur.
Voilà je voulais vous parlez de ces navigations de nuit mais je nʼen nʼai plus le temps. Le jour se lève et nous découvrons une déchirure dans le Génois. Le vent est trop fort pour affaler la voile, alors nous lʼenroulons sur son étai et changeons notre configuration de voile. A cet instant le vent change soudainement de direction, résultant en un empannage involontaire. Heureusement notre frein de bôme remplit son rôle mais son attache cède en fin de course. Philosophes à défaut dʼêtre heureux mais surtout forcés dʼattendre une accalmie, nous prenons tous ensemble un petit déjeuner au lever du soleil. Après 30 minutes nous décidons de replacer le frein de bôme et de tenter dʼaffaler la voile pour la réparer sur le pont. Les 4 hommes à lʼavant du bateau et Tanya à la barre nous réussissons la manoeuvre et sécurisons la voile. Maintenant Roberto et Alastair sont occupés à recoudre la déchirure et à placer des renforts en Kevlar et carbone.
Je mʼempresse de terminer ce blog car bientôt je devrais remettre ma ligne de vie pour venir donner un coup de main sur le pont afin de hisser à nouveau le Génois.
Certains se demandent si nous ne nous ennuyons pas lors de la traversée. Vous comprendrez sans doute quʼavec de telles activités alors quʼil nʼest pas encore 9 heures du matin et des changements de configuration de voiles dans les minutes à venir, lʼennui nʼest pas notre souci principal.
Je finirai par un point important: ces problèmes à gérer au quotidien font la cohésion des équipages. Nous sommes fiers de travailler ensemble et de continuer à vivre cette incroyable aventure avec enthousiasme, bonne humeur et humours, au pluriel car comme vous lʼavez constaté celui dʼAlistair est singulier.
Jean-Luc
KnottyGirl2